Test de Beholder Complete Edition sur Switch : dur dur d’être une balance
Il existe de grands jeux qui ont porté le choix moral au rang de gameplay, comme les jeux de Quantic Dream ou ceux de feu Telltale Games. Et il y a les jeux indé qui, plus discrets, n’en sont pas moins talentueux et développent autour de ces choix de vraies questions et un gameplay original. C’est le cas de Beholder que nous allons découvrir aujourd’hui dans sa Complete Edition sur Switch.
On vous a à l’œil
Beholder est un jeu atypique qui va demander aussi bien de la réflexion que de l’organisation et un brin de stratégie. Mais commençons par le début. Dans Beholder vous incarnez Carl Stein, que l’Etat totalitaire fictif où vous habitez vient de catapulter gardien d’immeuble. Mais un gardien d’immeuble un peu particulier. En effet dans son appartement qu’il occupe avec sa femme, son fils et sa fille il a une ligne directe avec le ministère à qui il doit rendre des comptes et qui lui donne ses ordres.
Mais quels ordres ? C’est bien simple : vous devez espionner vos locataires et reporter la moindre activité suspecte à vos supérieures ! On rédige le rapport, on appelle pour signaler et la police vient embarquer l’intrus en échange d’une belle somme pour votre portefeuille. Mais vous vous en doutez bien, la situation n’est pas si simple et en tant qu’homme, Carl (vous) peut choisir de remettre en cause cet état de fait et tenter d’aider ses voisins plutôt que de les enfoncer.
Bien sûr rien ne vous empêche de jouer les nazillons en respectant scrupuleusement les directives du gouvernement et en envoyant le premier pet de travers en prison. Mais sachez que vos choix, bons comme mauvais, auront des répercussions sur la suite de l’aventure. Et c’est là que les mécaniques de jeu de Beholder sont intéressantes et que nous allons rentrer dans le vif du sujet.
L’équilibre dur à atteindre
Alors dans les faits comment ça se passe ? Vous baladez Carl entre les étages pour rencontrer vos locataires, discuter et s’assurer que tout se passe bien. En bon concierge, vous réparez les télés cassées, les meubles bancals, etc. Mais aussi, dès qu’ils ont le dos tourné, vous pouvez avec votre passe-partout rentrer dans leur appartement pour fouiller leurs affaires et poser des caméras.
Le ministère va souvent faire passer des arrêtés que vous recevrez en notification sur l’écran, interdisant les livres de tel auteur, la vente de tel produit, la possession de tel autre… Autant de détails à prendre en compte pour vos petites manipulations personnelles. Par exemple on vous demande d’expulser tel locataire mais vous ne trouvez pas de prétexte ? Allez acheter un livre d’un auteur interdit, placez-le dans sa bibliothèque et allez ensuite le dénoncer pour qu’il se fasse cueillir par les autorités.
Les locataires viendront parfois vous demander de les aider et vous découvriront que ce sont des êtres humains qui cherchent à échapper au misérabilisme dont vous êtes aussi la victime. A vous de voir si vous allez aider le petit vieux du premier à s’échapper par tous les moyens en sacrifiant vos économies où si vous allez l’envoyer croupir en prison… Mais il faut prendre en compte aussi que si vous vous faites prendre à fouiller chez les gens, votre réputation auprès d’eux pourra baisser et ils seront moins enclin à vous aider. Cela pourrait, à terme, bloquer des quêtes et vous emmener vers le Game Over !
Mon cœur balance
Et oui, il est possible de perdre car en plus de gérer votre portefeuille, car il faut dépenser vos récompenses pour acheter de nouvelles caméras ou faire plaisir à la famille pour ne pas qu’ils se sentent délaisser, donner des pots de vin, etc… Il faudra aussi surveiller la jauge de réputation que vous avez auprès du ministère. Chaque mission menée à bien vous octroie des points auprès d’eux, mais chaque échec est autant de points perdus. Et si ça tombe à zéro… Et bien il vous arrivera la même chose que votre prédécesseur rencontré dans l’intro du jeu !
Vous l’aurez compris les mécaniques de Beholder sont complexes et incroyablement bien pensées. Les missions s’enchaînent et sont en temps limité selon leur degré d’urgence. Vous allez donc devoir réfléchir vite et bien et faire les choix qui vous paraissent les plus importants. Allez-vous sacrifier toutes vos économies pour sauver un être qui vous est cher ? Ou les utiliser pour respecter une promesse faite à un inconnu ? Tout est affaire de choix et parfois ceux-ci peuvent s’avérer frustrant car le moindre faux-pas entraîne la fin de la partie.
Heureusement des sauvegardes automatiques sont faites régulièrement et vous pouvez revenir en arrière avec un petit chargement qui évitera bien des déconvenues. Pareil, vous avez le choix en début de partie entre deux modes de difficulté : le mode original et impardonnable et le mode allégé où les récompenses sont plus généreuses et les sanctions moins lourdes. Ne vous inquiétez pas peu importe votre choix (pour une fois) cela ne change en rien l’histoire de Carl et sa famille dans cet univers dystopique inquiétant.
C’est pas mal du tout !
Côté technique le jeu propose de la 2.5D assez sombre avec un environnement unique, celui de votre immeuble. Les personnages sont des silhouettes noires avec quelques accessoires blancs et seuls les décors bénéficient de couleurs. On se déplace au stick et on utilise tous les boutons pour accéder aux différents menus : inventaire, directives gouvernementales, magasin, etc. Il y a une touche pour aller plus vite, une pour naviguer entre les étages… Bref il faut avoir les mains partout pour ET fouiller dans la commode d’un type qui ne l’est pas ET surveiller la porte d’entrée pour vérifier qu’il n’arrive pas.
Les journées sont rythmées par un cycle jour/nuit et les locataires ont leur routine : déjeuner, boulot, dîner, dodo. A vous de vous organiser en fonction de ça pour visiter les lieux en leur absence et surveiller leur retour. Les cinématiques sont doublées en français, ce qui est une excellente chose même si on soupçonne un petit accent canadien derrière la voix du doubleur. Et in-game les personnages s’expriment en simlish avec des bulles de dialogues où s’affichent leurs envies sous forme de pictogrammes.
Le jeu est vendu dans sa version Complete, c’est-à-dire avec le DLC “Sommeil Béat” qui permet de prolonger l’aventure. Le personnage de ce DLC a 85 ans et reçoit un appel du gouvernement lui indiquant que sous peu on viendra le chercher pour l’euthanasie qui le plongera dans le sommeil béat, d’où le nom du DLC. Vous avez donc un temps imparti pour trouver comment échapper à une mort certaine tout en continuant à remplir vos missions pour le ministère sous peine d’une visite avancée de celui-ci.
Pour finir
Pour conclure, Beholder est un jeu qui ne manque pas de charme et d’atouts. On prend plaisir à se creuser les méninges pour contenter tout le monde et sauver le maximum de vie (oui oui). Si les premières parties ne seront que frustrations et recommencement à zéro le temps de bien saisir les mécaniques, on commence à prendre du plaisir au bout d’une petite heure. On fouille, on espionne, on aide, on dénonce… Même si les missions s’enchaînent toujours dans le même ordre il y a à chaque fois plusieurs façons de les conclure. Alors certes au bout d’un moment vous en aurez fait le tour et vous pourrez finir le jeu en 3-4h. Mais rien ne vous empêche de recommencer pour voir ce qui se passe en changeant l’issue d’une mission.
- Une mécanique originale
- Des choix déchirants
- Un univers atypique
- Une DA qui plaît
- Les cinématiques en VF
- Pas mal de die and retry au début, le temps de s'y faire
- Tout est scripté, les missions s'enchaînent de la même façon à chaque partie
- Peut-être trop court
Beholder Complete Edition est un ovni comme on aime en voir sur Switch. Avec une ambiance proche de Papers ! Please et des choix moraux à l’image de This is The Police, il propose un jeu unique sur lequel on revient avec plaisir. On enquête, on observe, on réfléchit, on se tâte… On peut incarner la pourriture ultime qui délaissera femme et enfants pour se consacrer à son travail et à l’argent ou on peut décider d’aider son prochain en mettant son propre avenir dans la balance. Le plus dur reste au final de trouver un équilibre entre ces deux possibilités pour espérer voir pointe la fin du jeu au bout de trois ou quatre heures. Le DLC “Sommeil Béat” vient rallonger la durée de vie avec une petite variation du scénario mais un gameplay similaire. Mais après tout, s’il vous a plu dans le jeu principal il n’y a pas de raison qu’il ne vous plaise pas ici aussi !
Une excellente pioche pour ce titre indé qui vous fera passer un bon moment si vous aimez le genre.